Precipice

La guerre tiède

Pour commencer

Un jeu de stratégie en pleine guerre froide. Une période durant laquelle les deux factions qui s’opposent ne peuvent s’affronter directement et doivent le faire par moyens détournés, au risque de déclencher une guerre nucléaire. Le contexte historique parfait pour imaginer un jeu original, où la force brute laisse place au vice et à la fourberie. On en salive.

Indé JuanPatatos Linux PC Stratégie/Tactique

Pour se mettre en condition

On écoute quoi ?

David Bowie – Heroes. Le morceau le plus connu de l’idole britannique conte l’histoire d’un amour brisé par la construction du mur de Berlin. Saleté de guerre.

On boit quoi ?

Un coca, arme idéologique américaine.

On mange quoi ?

Un Plov Ouzbek, plat du fin fond de l’ex-URSS.

Alors, ça dit quoi ?

Precipice est un jeu de stratégie au tour par tour. Toute l’action se déroule sur une map monde, évoquant celle de Risk. La carte est découpée en plusieurs dizaines de nations, qui forment plusieurs groupes cohérents dans ce contexte historique : OTAN, Pacte de Varsovie, Ligue Arabe… Le but du jeu est d’imposer son influence sur assez de nations pour obtenir des points de victoire. On gagne un certain nombre de points quand on détient la majorité des nations d’un groupe, et beaucoup plus si on arrive à fidéliser tous les pays d’une zone. Tous les groupes de nations n’ont pas la même taille et ne rapportent pas le même nombre de points. Guerre froide oblige, nous n’avons le choix qu’entre deux factions, les États-Unis et l’URSS. Dans le mode standard, nous commençons chaque partie avec un certain nombre de pays neutres, et d’autres déjà fidèles à l’un des deux blocs. Évidemment, ça suit aussi le contexte historique : Cuba est rouge, l’Afghanistan est pro-occidental… Il est à préciser qu’il existe deux niveaux de loyauté : les nations simplement amies et les pays alliés. Cela n’impacte pas les points que l’on gagne, mais les possibilités d’interactions que l’on a avec ces pays et leur niveau de défense par rapport aux actions de l’ennemi. Il faudra donc accroître notre sphère d’influence pour être le premier à atteindre un certain nombre de points, ou être devant au score au bout de 40 tours.

Precipice
On va voir ceux qui ont suivi leur cours en terminale.

On clique sur un pays pour interagir avec. Nous avons 5 points d’action à dépenser par tour. Les possibilités sont multiples : diplomatie, commerce, sabotage, coups d’états, trucages d’élections, invasions militaires… On envisage sa partie de plein de façons différentes, on adapte sa stratégie si besoin. Le tuto est indispensable, et digérer toutes les mécaniques est long, mais excitant. Beaucoup de détails donnent du corps au gameplay : positionner des troupes pour prévenir une attaque, besoin d’être allié avec un pays pour toucher des ressources, facilités de réussir un coup d’État dans un pays entouré de nations amies… Je ne vais pas tout détailler, mais on se sent grisé par toutes les données à avoir en tête et par l’éventail des possibles. Autre mécanique intéressante : pour réaliser certaines actions, il faut avoir déployé un agent dans le pays visé, ou dans une nation limitrophe. Quand ces agents opèrent, l’adversaire a une chance de remarquer leurs activités et peut essayer de les éliminer en dépensant des points d’actions. Observer les changements de la carte et deviner où sont les agents ennemis donne lieu à un jeu de traque stimulant. C’est également un bon moyen de limiter le champ d’action adverse, car vous ne possédez que 3 agents. On peut aussi mentionner la possibilité d’investir dans la conquête spatiale, pour gagner en contrôle de map et engranger des points de victoire, ou encore les événements contextuels qui bouleverseront une partie de la carte et vous donneront des objectifs secondaires et temporaires.

Precipice
Beaucoup de choix et d’angles d’attaque différents.

Qui dit Guerre froide, dit dissuasion nucléaire. Precipice l’a intégré dans son gameplay. En effet, les actions les plus radicales (équipement de dissidents en vue d’un coup d’État, coup d’État en lui-même ou invasion d’un territoire) peuvent être dénoncées publiquement par votre adversaire. S’ensuit une possible escalade pouvant amener à la guerre nucléaire. Chaque joueur décidera à son tour de hausser le ton ou d’abandonner. Le perdant du bras de fer perdra l’enjeu de la dispute (contrôle d’un pays par exemple) mais aussi de l’influence sur d’autres nations. Plus la dispute va loin, plus les pertes sont lourdes. Si personne ne désescalade, le bouton rouge est proposé. S’il est utilisé, les deux joueurs perdent la partie. Quelques garde-fous sont supposés empêcher les joueurs d’être trop agressifs avec cette mécanique. D’abord, le vainqueur de la discussion perd aussi de l’influence sur des nations si l’escalade va trop loin (mais beaucoup moins que le vaincu). Ensuite, une jauge de mécontentement augmente à chaque fois qu’une étape de négociation est franchie, amenant au Game Over du joueur si elle est remplie. Cette jauge monte aussi à chaque invasion de territoire, car cette action agressive et efficace ne peut être arrêtée que par la menace nucléaire.

Precipice
N’y voyez pas un parallèle avec notre époque actuelle

Et on touche ici aux limites de Precipice. Le concept du jeu est génial, les idées sont bonnes, mais leur réalisation ne fonctionne pas toujours bien. Si la mécanique de la dissuasion nucléaire est pertinente dans ce contexte, et qu’elle a quelques garde-fous, elle permet de mettre trop facilement des coups de pression à l’adversaire. Quand on a compris comment fonctionne l’IA, il suffit de la laisser tenter des coups, la dénoncer, puis de pousser le bras de fer et la voir perdre l’influence sur ses nations toute seule. Et on peut imaginer qu’en multijoueur, un mec en train de perdre ou un troll passera son temps à vous pourrir la vie avec cette mécanique. On peut aussi parler du fait qu’évacuer ses agents d’un pays ne coûte aucun point d’action. On peut donc les faire bosser à fond, les rapatrier et ne jamais risquer de les perdre. Les agents de l’IA, eux, restent toujours sur place. Gagner contre l’ordinateur devient trop facile quand on a saisi ces petits détails. Autre point frustrant, la RNG. On a des pourcentages d’échec sur plusieurs types d’action, et notamment les coups d’États. Rater un coup d’État dans Precipice, c’est voir le pays visé obtenir le statut d’allié de l’ennemi, et lui donner la possibilité de le protéger. Ça pique quand on a 80 % de réussite et que la cible est vraiment stratégique. Je ne suis pas contre le hasard, mais les conséquences de l’échec sont trop graves ici.

Precipice
L’interface est pensée pour nous donner accès facilement aux infos qui nous intéressent.

Autre point dramatique : on tourne vite en rond. J’ai parlé d’un mode multijoueur plus haut ? Eh bien, je n’y ai jamais joué. Ce mode ne fonctionne qu’online, et absolument personne ne joue à ce jeu. En solo, il n’existe que 3 modes : le standard, un mode où l’on choisit tour à tour les pays que l’on veut (un standard en moins bien quoi) et l’American Hell, un scénario où l’on joue les USA dans un monde complètement communiste. Ce mode est absurde. Complètement infaisable au premier abord, il faut maîtriser les mécaniques de jeu pour le finir, mais surtout profiter de la stupidité suicidaire de l’IA. Bref, on jouera donc au mode standard en boucle avant de se lasser. Seuls points d’intérêt non-négligeables : chaque victoire nous débloque un bonus à équiper avant une partie. On peut équiper jusqu’à 3 bonus, et les deux camps ont leurs propres spécialités. Meilleure surveillance d’un pays, meilleure RNG sur certains types d’actions, bonus sur la conquête spatiale, actes commerciaux plus intéressants… Ces avantages ont un intérêt stratégique intéressant, influant sur notre gameplay. De plus, le jeu nous propose des défis, et les succès Steam en proposent d’autres : gagner une game en moins de 20 tours, conquérir toute l’Afrique, gagner en possédant tels ou tels pays… Pour le coup, ces défis sont assez relevés, intéressants, et donnent envie de relancer une partie. Precipice est d’ailleurs le seul jeu sur lequel j’ai 100 % de succès Steam.

Precipice
Le choix des animaux représentant les pays est parfois un peu cliché

On finit sur l’habituel point esthétique. L’OST fait le boulot sans être extraordinaire. Elle est posée, mais s’emballe parfois en notes grandioses ou dramatiques. Ça colle bien à l’esprit. Pareil pour le sound design, satisfaisant, sans plus. La représentation des chefs d’État en animaux est une bonne idée, la direction artistique est originale, le rendu est propre. Je rajouterai un mot sur l’interface, majoritairement claire et lisible, notamment grâce aux différents types de cartes permettant de mettre en avant différentes infos : pays alliés/ennemis, pays producteurs de ressources, périodes électorales…

Can you geek it ?

Yes, no, maybe, I don't know ...

En conclusion, Precipice est frustrant. Le concept est bon, la plupart des idées sont bonnes, mais leurs applications ne marchent pas aussi bien qu’elles le devraient. On ajoute à ça un mode solo vraiment flemmard, une IA pas ouf, un mode multi désert, et ça donne un beau gâchis. J’ai quand même réussi à m’amuser un temps dessus, grâce à son originalité et aux défis qui ajoutent vraiment du challenge. À tester si vous êtes curieux, amateurs de ce genre de jeu et/ou fans de cette période historique passionnante.

Le par JuanPatatos

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