Return of the Obra Dinn

Return of the Obra Dinn est donc un Puzzle game en vue subjective. L’histoire se déroule au début du 19e siècle au Royaume-Uni. On incarne une inspectrice des assurances, chargée par la compagnie des Indes Orientales d’enquêter sur un navire ayant disparu quatre ans plus tôt, et venant tout juste de réapparaître, vidé de toute âme, au large des côtes anglaises. Votre but, une fois à bord, sera de découvrir ce qui est arrivé au bâtiment, en identifiant les soixante membres qui vivaient dessus, et en découvrant précisément ce qui leur est arrivé. Pour vous aider, vous aurez un livre, qui contient des plans du bateau, une liste des membres d’équipages indiquant leur fonction et leur nationalité, et des croquis représentant toutes ces personnes. Vous posséderez également une mystérieuse montre à gousset avec une tête de mort dessus.

Cette montre possède un sacré intérêt : elle permet de revivre les derniers instants d’une personne dont on trouve le cadavre. Par chance, il y en a un paquet sur l’Obra Dinn. À chaque squelette que l’on découvre, on est projeté dans une scène figée. On entend ce que le mort et les personnages autour ont pu dire à cet instant fatidique, on peut observer dans les détails les circonstances du décès, et regarder tout ce qu’il se passe autour, puisqu’on nous laisse le droit de nous déplacer dans la scène, sur un certain périmètre. Il arrivera régulièrement que d’autres membres de l’équipage soient déjà morts dans ces souvenirs. La montre nous permettra de revivre leur propre fin, et de faire apparaître leur cadavre sur le bateau dans notre réalité, ce qui permet de pouvoir revenir plus facilement sur ces scènes.

À chaque fois que l’on trouve un cadavre, une page du livre se remplit. Elle indique les infos principales que l’on a découvertes sur le mort, et se classe toute seule par chapitres, selon le moment du décès dans la chronologie. Ainsi, le bouquin permettra de remettre dans l’ordre tout le drame connu par l’Obra Dinn. Par contre, ce sera bien à vous de retrouver le nom de chaque personnage parmi la liste de l’équipage, de noter la cause de la mort parmi des choix prédéfinis, et d’identifier l’assassin, s’il y en a un. Vos bonnes réponses seront validées par groupe de 3, pour éviter que vous puissiez tout faire au hasard, en essayant toutes les possibilités possibles. Le gameplay se déroule donc ainsi : on retrouve un cadavre qui nous amène rapidement à d’autres, liés au même chapitre que lui, et on en apprend plus sur l’histoire qui s’est déroulée sur le bateau. Des portes et passages du navire s’ouvrent au fur et à mesure de notre avancement, donnant accès à de nouveaux cadavres et à de nouveaux chapitres, ainsi de suite. Le bateau est construit sur 4 étages. Il n’est pas immense en soit, mais il y a tellement de choses à y découvrir qu’on se satisfait pleinement de sa taille. Il est à noter qu’on peut faire toute l’aventure sans trouver l’identité d’un seul personnage, on n’aura juste pas accès à la vraie fin du jeu.

Le cadre étant posé, je vais essayer de vous expliquer pourquoi RofOD est un jeu exceptionnel. Sa grande enquête est passionnante, et certainement plus intéressante que celles proposées par un paquet de jeux plus connus, qui se reposent souvent sur des choix de dialogues et qui se résolvent même si vous faites n’importe quoi. Ici, c’est à VOUS de faire tout le travail. Certaines identités seront faciles à trouver, parce que les marins s’appellent par leur nom ou grâce au statut du personnage (vous vous doutez que le capitaine est facile à reconnaître). Par contre, pour savoir différencier un matelot d’un autre, c’est plus complexe. Il va vous falloir être malin et observateur. On pourra identifier un personnage par son métier, en observant ce qu’il fait sur les différentes scènes où il apparaît, ou grâce à sa nationalité, en faisant attention à son accent, aux expressions qu’il utilise ou à la langue qu’il parle. On aura aussi des indications par ses habits, par sa position sur la photo de groupe, ou par des minis détails dans les dialogues. Il faudra bien être attentif à ce qu’il se passe dans l’entièreté des scènes, et ne pas juste se concentrer sur le mort. Certaines actions menées en arrière-plans pourront être décisives pour votre enquête.

Pour compliquer les choses, vous ne pourrez pas toujours avoir accès aux corps des victimes, et devrez donc trouver ce qui leur est arrivé sans que le jeu ne fasse un focus particulier sur eux. De plus, la cause de la mort n’est pas toujours facile à identifier. Les développeurs ont imaginé des scènes chaotiques et chercheront à vous mettre sur de mauvaises pistes. Seule une observation rigoureuse vous permettra de ne pas tomber dans le piège et de découvrir la vérité. Vous êtes donc mis dans la peau d’une vraie inspectrice qui doit se débrouiller seule, et chaque validation de trois bonnes réponses est extrêmement valorisante, ce qui rend le jeu particulièrement addictif. Chaque joueur va avancer dans l’aventure avec sa propre logique, faire ses conclusions dans différents ordres, et donc vivre une expérience unique. C’est un vrai boulot de détective, on ne s’en sort qu’avoir notre sens de l’observation, notre logique, notre déduction. On note que l’interface est plutôt bien pensée pour vous permettre d’avoir facilement accès aux informations qu’il vous faut, sans non plus tout vous servir sur un plateau.

Au-delà de l’enquête, le scénario du jeu est intéressant et surprenant, mais c’est surtout sa narration qui va vous prendre aux tripes. En effet, les événements ne nous sont pas présentés dans l’ordre chronologique, et le jeu cultive un suspense captivant, frisant parfois l’angoisse. On va retrouver tout ce qu’on veut voir dans un jeu qui se déroule dans ce cadre : complots, trahisons, fantastique… Le dernier chapitre du jeu n’est accessible qu’en trouvant les identités et le sort de chaque membre d’équipage, et cette carotte vous poussera à vous surpasser. La mise en scène est aussi géniale. Pour chaque scène de mort, on entend d’abord les dialogues des protagonistes avant d’avoir l’image. Les échanges affolés, ponctués de cris, qui ouvrent sur une scène d’attaque en pleine tempête, c’est complètement dingue et on vit l’aventure à fond. Par ailleurs, le contexte historique est super bien respecté et aide à la crédibilité de l’œuvre. Les métiers représentés sur le bateau, les habits portés selon le rôle de chacun, les expressions d’époque, tout a fait l’objet d’un travail de recherche sérieux. Esthétiquement, le jeu est un bijou. La DA a une personnalité folle et les graphismes monochromatiques sont magnifiques et proposent un soin du détail incroyable. Les doublages sont parfaits, le sound design est génial (les cris, les craquements du bateau, on s’y croirait), et l’OST nous accompagne pleinement dans notre enquête, mélangeant morceaux sombres et tendus avec morceaux posés et légers plus propices à la réflexion.

Histoire de trouver du négatif, je dirais que le scénario aurait pu être poussé un peu plus loin, que ça manque parfois de développement de personnage et de contexte. Je pense aussi qu’une ou deux causes de décès sont parfois floues et soumise à interprétation, ce qui peut être frustrant. Voilà, ça pèse pas lourd par rapport au positif.