Alors, ça dit quoi ?
Après un premier épisode dans lequel nous définissions ce sous-genre et nous cherchions les attributs du Roguelike parfait, nous allons maintenant nous attaquer à la subtile différence entre Roguelike et Roguelite. En effet, c’est pas clair pour tout le monde. Déjà, pour les personnes qui ne sont pas habituées à ce genre de jeux (go voir l’épisode 1). Mais aussi pour les accoutumés, qui font parfois de grossières confusions. Je dirais même que dans certains cas, la différence est si fine qu’elle est sujette à interprétation. Bref, regardons de plus près.
Différences majeures entre les deux genres :
La différence entre ces deux styles se fait principalement autour du concept de mort permanente :
– Dans un Roguelike, on repart de zéro à chaque mort : même nombre de points de vie, mêmes statistiques d’attaque et de défense, même jauge de mana… On a toujours la même chance d’arriver au bout de sa run. Seul l’aléatoire peut nous gâter en nous mettant dans une configuration qui nous convient.
– Dans un Roguelite, au contraire, nos runs passées nous aident à terminer le jeu. À chaque run, on récupère des ressources que l’on garde après sa mort. Elles nous serviront à améliorer nos statistiques, nos armes, ou encore la rentabilité de nos futures runs. En gros, on farm et on est toujours plus balèze pour arriver au bout du jeu. C’est ce que l’on appelle les améliorations permanentes.
Et ça change quoi ?
La différence paraît fine, mais bouleverse le gamedesign des jeux concernés.
Dans l’idée, un Roguelike présente toujours la même difficulté, que ce soit votre première ou votre centième run. Seul votre skill vous permettra de battre le jeu. Il est tellement gratifiant de sentir ses réflexes s’affiner, sa maîtrise du jeu et de ses éléments augmenter et arriver toujours plus loin, run après run. Isaac, Enter the gungeon, Don’t Starve… Autant d’apprentissages fait dans la douleur et avec le sourire. Chaque run se fait dans ce but unique d’arriver toujours plus loin, sans oublier les objectifs secondaires. En effet, la plupart des Roguelike proposent de débloquer des nouveaux personnages ou du stuff additionnel, essentiels au besoin de contenu et de renouvellement de ce type de jeu. Mais tant qu’il n’y a pas d’améliorations qui persistent à travers les runs, et qui abaissent la courbe de difficulté, on est sur un Roguelike.
Qu’on soit clair : il faut aussi un minimum de skill pour terminer un Roguelite. Mais on note qu’il est presque impossible de les terminer sans améliorer ses statistiques, même si on est super aguerri sur le jeu. Notre personnage n’a pas assez de vie, de dégâts, on s’épuise à taper sur des ennemis trop robustes qui vont finir par nous one shot. Il faut donc récupérer des ressources à travers les runs (or, gemmes et autres babioles à revendre), chaque nouvel essai apportant sa pierre à l’édifice. La courbe de difficulté est donc étrange, puisqu’elle décroît à mesure que l’on joue, à l’inverse de ce que propose l’écrasante majorité du Jeu vidéo. Pour éviter que ces jeux ne consistent qu’à du bête farming, les développeurs trouvent des mécaniques diverses qui poussent le joueur à faire des runs de qualité : pourcentage de l’or qui s’envole à la mort du personnage (Undermine), obligation de se débarrasser de son or quand on commence une run et ainsi interdire l’accumulation de ressources (Rogue Legacy), inventaire limité qui pousse à trouver et ne ramener que les objets les plus coûteux (Moonlighter et Darkest Dungeon). En parlant du loup, Darkest Dungeon trouve la solution pour nous garder tendus et concentrés tout au long de notre partie. On ne joue pas un personnage unique, mais on gère tout un groupe de bonhommes qui, eux, sont sujets à une vraie mort permanente. Si l’on ne veut pas perdre ses guerriers préférés et le temps que l’on a passé à les faire évoluer, il ne faut pas se relâcher. De plus, les ennemis sont toujours du même niveau que nos personnages. La courbe de difficulté ne baisse donc pas, malgré nos améliorations.
À titre personnel, je préfère largement les Roguelike aux Roguelite. Ces derniers ont tendance à m’ennuyer à la longue. Une fois passé le plaisir de la découverte du jeu, j’ai trop souvent l’impression de farmer les runs, de devoir simplement attendre le moment où mon personnage sera assez fort pour finir le jeu. J’ai même ressenti ça sur les meilleurs d’entre eux, comme Darkest Dungeon. Je reconnais l’effort notable d’Hades, qui fait évoluer un lore intriguant à chacune de nos morts et donne ainsi envie de continuer. Au contraire, l’impression de montée en puissance des Roguelike est inégalable. Ces jeux présentent un défi constant, et je peux y passer des dizaines d’heures sans me lasser.
« Mais n’importe quoi, Wizard of Legend c’est un Roguelite ! »
Malgré ces règles qui semblent assez claires, beaucoup de jeux restent des sujets de débats concernant leur classification. Je vais essayer d’apporter ma définition. Pour moi, un Roguelite est un jeu qui ne laisse pas le choix d’améliorer durablement son personnage, qui intègre cette mécanique dans son gamedesign. Dans ce sens, Wizard of Legend est un RogueLIKE, contrairement à ce que l’on peut lire. Certes, un personnage nous propose de commencer la run avec un avantage financier (on retrouve la possibilité d’acheter du stuff avant la run dans Crypt of the Necrodancer). Mais nous ne sommes pas obligés de nous en servir, ça tient du coup de pouce et non de l’amélioration permanente. De plus, le fait de trouver et d’acheter de nouveaux sorts n’améliore pas notre personnage, il donne juste de nouvelles possibilités de build (même chose pour les stuff déblocables d’Enter the Gungeon). Certes, pouvoir utiliser de nouveaux objets et pouvoirs va nous aider, mais tant que ça ne touche pas à l’équilibrage de la difficulté, on reste sur du Roguelike. Enfin, le fait de débloquer un sort plus puissant que les autres en finissant une run est effectivement un élément de Roguelite, puisque l’on obtient une arme plus forte. Mais c’est trop léger pour moi.
Même chose pour Dead Cells. Objectivement, c’est un Roguelite. On débloque des pouvoirs durables qui, part une structure de Metroidvania, va nous permettre d’atteindre de nouveaux lieux et niveaux. De plus, on peut utiliser de la monnaie pour améliorer nos chances de trouver des armes améliorées. Mais, désolé, c’est trop léger. Dead Cells se joue entièrement sur le skill, on commence chaque partie avec la même vie, les mêmes dégâts, le même nombre de potions. Une fois qu’on a débloqué toutes nos aptitudes, on part clairement sur du Roguelike. C’est un hybride, au mieux.
Voilà pour cette partie 2 sur la différence entre ses deux jumeaux, si proches et si différents en même temps. Si vous voulez creuser le sujet, je vous propose cette vidéo de Game Maker’s Toolkit, chaîne Youtube britannique d’analyses gaming hyper intéressante. Pas de panique, il y a des sous-titres français. Quant à nous, on se retrouve peut-être sur une partie 3 !