Pour commencer
Amateur de romans dystopiques (et particulièrement de 1984) et de Point and click, Beholder ne pouvait que m’intriguer. Le topic : dans un État totalitaire aux règles absurdes, où la liberté individuelle n’est qu’un vague concept, le Ministère des Affectations vous donne un job de concierge d’immeuble. Concierge signifiant mouchard. C’est salaud, mais le pitch est excitant.
Pour se mettre en condition
On écoute quoi ?
1984 – 04 Avril. C’est pas fou mais c’est dans le thème.
On boit quoi ?
Un vin de messe (n’importe quel rouge naturel fait l’affaire), à partager avec Judas.
On mange quoi ?
Un bon burger frites industriel, juste récompense de Tweener dans Prison Break.
Alors, ça dit quoi ?
Dès votre prise de poste, vous allez donc devoir faire connaissance avec vos locataires et attendre qu’ils partent vaquer à leurs occupations pour placer des caméras chez eux et fouiller leurs appartements. Les espionner vous permettra de connaître chacun de leurs faits et gestes, mais surtout de percer leurs secrets. À vous de décider ce que vous en ferez. Le jeu vous imposera en effet de nombreux choix pour régler les différentes situations auxquelles vous allez faire face. Soutenir la résistance ou assister votre gouvernement, participer à l’assassinat d’un haut dignitaire de l’État ou piéger et dénoncer des opposants politiques, toujours en gardant en tête votre propre sécurité et celle de votre famille. Les missions sont nombreuses et leurs différentes issues donnent une impression de liberté à vos premières parties. Le jeu possède plusieurs fins et assure donc une certaine rejouabilité.
Pour éviter l’arrestation et le Game Over, votre compte en banque devra toujours être dans le positif et vous devrez faire face à de nombreuses dépenses pour le bien de votre propre famille. Il faudra donc être ingénieux pour trouver des sous, et vos premières parties risquent d’être compliquées. Les possibilités de gagner de quoi payer vos factures sont multiples, et vont parfois se faire aux dépens de vos locataires, entraînant de nouveaux dilemmes moraux. Entre la surveillance, les missions à accomplir et la recherche permanente d’argent, le rythme du jeu est vraiment élevé. On a toujours quelque chose à faire et on doit gérer trois ou quatre tâches en même temps. Cela permet une certaine immersion, une impression de gérer cet immeuble et tous ses petits (et surtout gros) problèmes.
Le rendu des décors est réussi et le design des personnages, représentés par leur silhouette, est simple mais efficace, leurs expressions étant explicites. Le ton grisâtre des couleurs est expliqué en jeu par le travail incessant des usines fourmillants dans notre pays fictif. La musique mélancolique et déprimante renforce l’esprit d’enfermement voulu par l’État. L’ombre de celui-ci est menaçante, toujours présente, représentée par de nouvelles interdictions quotidiennes absurdes, des articles de presse propagandistes, et surtout des appels téléphoniques incessants, auxquels il faudra répondre sous peine de mort. On ressent cette emprise dans tous les dialogues, et la plupart des personnages sont partagés entre patriotisme et défiance envers un gouvernement obscur, représenté par un grand chef mystérieux. Cette peur et cette impression d’être observé constamment marche bien en début de partie, moins quand l’on commence à faire des missions pour la résistance en toute impunité. C’est un détail, mais j’ai aimé que l’on remplisse manuellement sa paperasse : fiche d’arrestations, lettres de chantage… Ça aide à l’immersion.
Au niveau des défauts, la prise en main du jeu n’est pas facile. Le gameplay est un peu lourd, le point and click n’étant pas toujours adapté au dynamisme imposé par ce rythme fou. Je pense notamment aux icônes pour ouvrir une porte ou fouiller un meuble, qui cassent la fluidité des actions. L’interface est également fastidieuse et oblige à de nombreux aller-retours entre les menus. La courbe de difficulté n’est pas très bien pensée, et après quelques missions tranquilles, vous allez devoir soudainement débourser des dizaines de milliers de « dollars » pour garder votre famille en vie. C’est très compliqué lors des premières parties et beaucoup de joueurs abandonnent à ce stade. Par ailleurs, l’impression d’être en danger constant s’éteint trop vite. On ne prend pas de réel risque à aider la résistance (ou à ne pas l’aider d’ailleurs, malgré les menaces), on ne prend pas de risques non plus en fouillant chez nos locataires, car rien ne se passe si l’on est découvert. Et enfin, la traduction française est immonde. Vraiment immonde.
Can you geek it ?
Yes you can !
En bref, malgré quelques défauts non-négligeables, Beholder est un jeu original à l’atmosphère dystopique convaincante. Une fois plongé dans l’aventure, il est difficile de décrocher et on refait le jeu 3 fois sans peine. Le DLC reprend les mêmes ingrédients et vaut aussi le détour. En quelques mots : Gloire au Grand Leader !
Le par JuanPatatos