Blasphemous

Et Dieu créa le Soulsvania

Pour commencer

Je dois le confesser : je n’ai jamais joué à un jeu FromSoftware de ma vie, notamment pour des questions techniques. Blasphemous est défini par beaucoup comme un Souls-like, et son esthétique Dark Fantasy m’a vite charmé à travers les premières images que j’ai vues. Je me suis lancé dans l’aventure, convaincu que j’y trouverai mon compte. Oui, j’aime le glauque. Je précise que ce test inclus les DLC Stir of Dawn, Strife and Ruin et Wounds of Eventide, qui sont de toute manière gratuits et incorporés au jeu de base.

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Pour se mettre en condition

On écoute quoi ?

Stup Monastère, un morceau religieux un poil torturé.

On boit quoi ?

Un Rebujito, cocktail incontournable de Séville.

On mange quoi ?

Des Torrijas, une pâtisserie très prisée lors de la Semaine Sainte de Séville

Alors, ça dit quoi ?

Blasphemous est un action plateformer avec une structure Metroidvania et une esthétique sinistre au possible. Développé par un studio espagnol, et plus précisément sévillan, le jeu fait référence au folklore religieux de la capitale andalouse et à la période historique de l’Inquisition espagnole. Nous sommes plongés dans un monde médiéval corrompu, en proie à une affreuse malédiction qui touche ses terres et ses habitants. La puissante Église locale reconnaît cet épisode comme une volonté divine et le vénère en lui donnant le nom de Miracle, tout en traquant aveuglément le moindre signe d’hérésie dans le pays. Nous incarnons un guerrier, seul survivant du massacre de sa confrérie. Nous traverserons Cvstodia pour rejoindre le berceau de cette affliction, dans un but qui nous sera révélé de manière très cryptique, Blasphemous se drapant constamment d’un épais voile de mystère mystique. Les trois fins différentes vous éclaireront sûrement sur ce lore riche, et si jamais vous êtes idiot comme moi, Internet reste votre meilleur ami.

Blasphemous
Les décors sont magnifiques et renvoient à un profond désespoir.

L’atmosphère torturée de Blasphemous est dingue. On baigne dans un monde simili-catholique violent et complètement dément. Tout renvoie à la souffrance, à la culpabilité, à l’humiliation, à la pénitence, à la décadence. Les PNJ que l’on croise sont des illuminés qui acceptent leur sort avec une dévotion morbide. Les mobs sont des fanatiques estropiés défendant passionnément leur foi abominable. Notre propre personnage fait corps avec ce monde de cauchemar. À la manière d’un Souls, les objets que l’on récupère ont leur propre histoire, qui aident à peaufiner le lore et savent nous faire frémir en quelques lignes. L’équipe de développement à fait un gros taf de recherche, et beaucoup d’éléments scénaristiques du jeu, ainsi que le design des personnages et des bâtiments, sont directement inspirés de la Séville médiévale et de réels contes catholiques. Il faut savoir que Séville fut le siège de l’Inquisition espagnole et que la ville regorge d’histoires sordides. L’OST est superbe et mélange morceaux de piano mélancoliques, airs de flamenco plus dynamiques, et ambiances inquiétantes faites de sonorités distordus et lancinantes. Le sound-design, fait de sons métalliques et de cris d’agonie, colle parfaitement au contexte. La VO anglaise est toujours dans le bon ton. Le pixel art est magnifique, notamment les arrière-plans, et les décors fourmillent de détails dérangeants. Le tout créé un sentiment de solitude, de malaise, voire de peur, alors que ce n’est pas un jeu d’horreur. Pourtant, une sorte de grâce touchante se dégage par moments. Bref, ce jeu prend aux tripes.

Blasphemous
La pénitence et l’acceptation de la souffrance prennent une place centrale dans le jeu.

Blasphemous est un jeu 2D mélangeant phases de plateforme, d’exploration et de combat. Les contrôles de notre personnage sont assez fluides et étoffés. Le saut est plutôt bien calibré, et on peut s’accrocher à certaines parois facilement identifiables et placées astucieusement par un game design malin. En ajoutant des pièges et des ennemis sur notre passage, on obtient des phases de plateforme globalement intéressantes, même si la lourdeur de notre personnage peut être crispante. Sur la partie action, on va principalement se servir de l’attaque de base. Les coups que l’on enchaîne embrayent sur un combo de plus en plus dévastateur. On aura la possibilité de débloquer plusieurs attaques secondaires, utiles dans certaines situations : attaque à distance, attaque piquée, fente. Pour se défendre, une glissade permet d’esquiver certaines attaques et de passer derrière l’ennemi, et une parade bloque les coups et permet une contre-attaque. Enfin, on trouvera jusqu’à une quinzaine de sorts, majoritairement offensifs, qui s’utilisent avec une barre de mana et un cooldown. On ne peut équiper qu’un sort à la fois, ce qui pousse à la réflexion, et chacun à son propre coût en mana et son propre cooldown. Le mana se régénère en frappant les ennemis. Par ailleurs, l’argent du jeu se gagne aussi en tuant des monstres. L’agressivité est donc fortement récompensée.

Blasphemous
Les parois apportent dynamisme et diversité aux phases de plateformes.

L’inspiration Souls se retrouve sur plusieurs aspects. D’abord, les heals. Pour remplir notre barre de vie, nous possédons un nombre fini de potions, qui se rechargent sur l’un des autels de sauvegarde, qui ont également la particularité de faire repop les ennemis. On doit donc toujours se débrouiller pour passer les boss et les moments difficiles avec notre nombre limité de potions. Ensuite, en cas d’échec, on doit récupérer son âme sur le lieu de sa mort pour ne pas perdre son argent et une partie de sa jauge de mana. Ça met une certaine pression quand on trépasse dans un passage particulièrement dur.

Enfin, les fights. Les combats sont exigeants, et mélangent technicité et dynamisme. Notre perso a une certaine lourdeur qui donne une impression de puissance brutale aux attaques, et oblige à toujours bien timer ses actions. Les parades et les roulades se jouent à la frame près. Le bestiaire est fourni et les paterns sont très variés : les ennemis volent ou se déplacent sous terre, bloquent vos glissades ou empêchent vos contre-attaques, sont invincibles par moment ou peuvent répliquer pendant vos attaques et briser votre combo… Il faudra du temps pour les connaître, les maîtriser, et tout cet apprentissage se fait dans la joie et dans la douleur. On note que chaque ennemi possède une animation d’exécution jouissive, qu’on peut activer quand il arrive aux portes de la mort. Les boss vous donneront également du fil à retordre, et beaucoup vous entraîneront dans un duel épique, qui mettra votre maîtrise des mécaniques de combat à rude épreuve. Mention spéciale aux Amanecidas, qui sont de formidables partenaires de baston. Cependant, un paquet de boss sont aussi oubliables, voire pénibles, à cause de paterns franchement pas inspirés. Dommage.

Blasphemous
Les exécutions sont brutales et ô combien satisfaisantes.

Mais Blasphemous ne s’inspire pas que de l’œuvre de From Software. C’est également un hommage à Castlevania, de par son atmosphère, et particulièrement à Symphony of the Night, de par la construction de son level-design. Blasphemous se déroule sur une grande carte ouverte, avec des zones nombreuses, variées et identifiables. Si le tout début du jeu semble linéaire, on a vite une liberté de déplacement qui nous permet d’atteindre nos objectifs dans l’ordre que l’on veut.

Contrairement à la plupart des Metroidvania, les compétences que l’on débloque dans l’aventure ne servent pas à atteindre de nouvelles zones, qui sont toutes accessibles, mais à récupérer une bonne partie des collectibles du jeu. Blashemous a un contenu gigantesque. En plus des sorts et nouvelles compétences à découvrir, des augmentations de stats sont à trouver sous la forme de PNJ, d’items ou de salles secrètes : augmentation de la barre de vie, de celle de mana, amélioration des soins, des dégâts… Toutes ces trouvailles se découvrent derrière des faux murs, en résolvant des quêtes et énigmes, en dépensant sa thune dans un shop ou un autel. Certaines quêtes secondaires vous suivront toutes votre partie, comme les 38 chérubins ou les 44 ossements à retrouver. On est constamment poussés à l’exploration, et on a toujours le sentiment d’avoir quelque chose à découvrir. Le level design est maîtrisé avec une carte cohérente, des raccourcis qui relient les zones, des points de voyages rapides. La formule Metroidvania est donc respectée, même si un peu revisitée. Pour en rajouter une couche sur le contenu, Blasphemous propose encore des surprises : un mode plus dur derrière la première aventure, un mode Boss Rush, un petit mode arcade à trouver dans l’aventure principale…

Blasphemous
Les zones sont variées et facilement identifiables.

Pour finir, on va lister quelques défauts. Je le répète, mais les phases de plateforme peuvent être un peu lourdes et donc agaçantes. Notre personnage décolle et s’écrase comme une masse lors d’un choc trop violent, et certains ennemis ou pièges sont là uniquement pour nous éjecter d’une plateforme et faire perdre du temps. Voire, dans les moments les plus croustillants, nous foutre dans des piques mortelles. Perso, j’ai jamais trouvé ça très fun, ni très inspiré comme gamedesign. Si l’aspect Metroidvania est bien géré dans l’ensemble, on se tape quand même beaucoup d’allers-retours, et certains passages sont vraiment pénibles à refaire régulièrement. Enfin, à l’image du lore, certaines solutions à des quêtes et énigmes sont trop cryptiques. On ne comprend pas toujours ce que l’on doit faire. Pour aller au bout de certaines quêtes très importantes (notamment pour débloquer les différentes fins), il faut faire des choses dans un certain ordre sans qu’on en ait la moindre idée. C’est facile de se bloquer tout seul du coup. Frustrant.

Can you geek it ?

Yes you can !

Blasphemous est un jeu obsédant, avec un lore riche au service d’une esthétique et d’une atmosphère profondément marquantes. Ses liens de parenté avec Dark Souls et Castlevania se reconnaissent dans la maîtrise de ses combats exigeants et dans la profondeur de son contenu et de son level design. Ses quelques défauts, notamment sur les phases de plateforme, n’y changent rien : Blasphemous fait partie des grands noms du jeu vidéo indépendant.

Le par JuanPatatos

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